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En ramener des fragments du réel bientôt transformés en chansons fracassantes, le songwriter Pierre Welsh a fait ça toute sa vie.

L’homme est énigmatique, discret, mais il trace une route droite comme le mat d’un bateau. Sans jamais céder à la facilité, cet enfant du rock depuis les années 90 (ancien membre des groupes rock Chelsea puis Melville) a traversé le temps avec des projets adoptant tantôt la musicalité de la langue anglaise, tantôt le tranchant du français.

Hanté par une certaine idée de la beauté, nourri d’auteurs russes comme de poésie américaine, ne se se montrant sur scène que de manière sporadique, Pierre Welsh manie le sombre et le sabre ; choisit d’être là, intensément, puis absent l’instant d’après,
à la manière d’un Salinger ou d’un Terence Malick… Son équipage du moment s’appelle THE OAKS : c’est un groupe de rock, puissant, souverain, mais plus encore un collectif artistique où chacun crée intuitivement, lors de sessions dans les conditions du live où l’écoute de l’autre scande le temps et l’instant.

Pierre Welsh est le meneur naturel, le parolier et le chanteur de plus en plus exposé (par choix) de ce groupe dont la riche palette esthétique va d’un blues brûlant ré-inventé (à la manière d’Arctic Monkeys) à l’électro organique et délicieusement oppressante du génie Tricky.

Si les œuvres antérieures de OAKS étaient des rivières, alors L’INSAISISSABLE est un fleuve tempétueux. Imprévisible, changeant, mais avant tout fougueux, et traçant sa route sans se retourner.

C’est qu’aux musiciens généreux qui l’entourent, Pierre Welsh, pour la première fois signataire sous son nom, a décidé d’adjoindre quelques redoutables renforts : aux légendaires studios ICP, à Bruxelles, l’ingénieur de renom Erwin Autrique ; puis, pour la mise en scène et les arrangements de cordes, le surdoué Jean-Louis Piérot (producteur de Daho, Bashung, Miossec, Thiéfaine…), qui s’y connait en construction de cathédrales sonores, et qui, dès l’écoute des maquettes, a été conquis par les chansons du groupe.

Clairement, une page importante du rock français s’écrit là sous nos yeux. Sous le parrainage évident du dandy-chanteur de Fantaisie Militaire, mais aussi en cousinage avec la puissante aventure Feu Chatterton : même élégance, même goût pour le gracieux et l’abrupt, pour le très blanc et le très noir. Même poésie urbaine dans les textes, même manière de proclamer, fièrement : « cette musique va vous accompagner longtemps…»

Emmanuel Tellier